L’hydraulique suisse n’a pas dit son dernier mot

Avec la décision de l’abandon du nucléaire et le passage progressif à la mobilité électrique, les besoins en électricité d’origine renouvelable ne feront qu’augmenter en Suisse.

Dans ce cadre, la Confédération a annoncé en décembre 2021 que 15 nouveaux projets hydro-électriques pourraient être lancés ces prochaines années. Cette annonce est le résultat d’une table ronde réunissant Confédération, cantons, associations écologistes et producteurs d’électricité. Ces nouveaux projets hydro-électriques pourraient permettre une production supplémentaire de  2 TWh d’électricité renouvelable. Ceci est réjouissant, car il était souvent dit que la Suisse avait quasi atteint le maximum possible en matière d’électricité hydraulique si l’on tenait compte des contraintes écologiques.

Il s’agit néanmoins de nuancer cette annonce en rappelant que les centrales nucléaires que l’on souhaite remplacer fournissent chaque année environ 19 TWh (2021) d’électricité… Ce surplus ne permettrait ainsi de combler qu’environ 10% de la production nucléaire. De plus, cet accord ne signifie pas forcément qu’il n’y aura pas d’oppositions à ces 15 projets.

Mais au-delà de ces chiffres, il faut aussi noter l’importance de l’électricité hydraulique en tant que « enabler » des autres énergies renouvelables. Comme l’explique un article du magazine « énergies renouvelables » ce terme anglais signifie que l’énergie hydraulique devient une condition nécessaire à l’efficacité des énergies éoliennes et solaires. En effet, les capacités de stockage de l’énergie hydraulique permettent de mettre en réserve les productions intermittentes comme le vent et le solaire pour les délivrer en adéquation avec les besoins.

Cette fonction de stockage devient ainsi toujours plus importante et les procédures et technologies actuelles doivent s’adapter afin d’être beaucoup plus flexibles comme l’expose le magazine « énergies renouvelables ». Ainsi, les turbines hydrauliques vont devoir tourner à des vitesses très différentes pour se caler « en continu » sur les besoins. Ceci va influer sur les rendements de celles-ci car elles ont été conçues pour fonctionner avec un débit d’eau optimum. A d’autres débits on constate, par exemple, l’apparition de tourbillons instables. Des programmes de recherche sont ainsi lancés pour améliorer la flexibilité tout en limitant les pertes de rendement et l’usure des installations suite à une sur-sollicitation. Par exemple, il est envisagé d’utiliser des batteries électriques tampons pour laisser le temps à la turbine d’atteindre « tranquillement » sa vitesse de production ou re-pomper directement une partie de l’eau dans le barrage pour éviter de faire varier la vitesse de la turbine [court-circuit hydraulique]). Dans le même article,  Klaus Jorde de l’Office Fédéral de l’Energie pense que si des solutions techniques seront certainement trouvées, il s’agit maintenant de proposer des mécanismes financiers qui incitent les exploitants à investir dans le domaine la flexibilisation de la production.

On pourrait imaginer que les nombreuses difficultés à faire passer les projets de parcs éoliens pourraient réorienter certains investissements vers l’énergie hydraulique. Mais l’hydraulique rencontre aussi les mêmes blocages comme l’illustre le projet de rehaussement du barrage du Grimsel prévu il y a 20 ans et toujours bloqué devant les tribunaux… A ce sujet, la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a proposé avec le Conseil Fédéral en février de cette année que chaque projet de centrale hydroélectrique ou éolienne ne puisse être contesté qu’une seule fois et qu’un permis de construire ne soit plus exigé pour poser des panneaux solaires en façade.

Tout ceci démontre qu’il s’agit de trouver un équilibre entre la protection de l’environnement local, l’autonomie énergétique et les enjeux environnementaux globaux.

Sondages géothermiques à Genève

Depuis le 13 septembre, les Services industriels de Genève mènent une vaste campagne d’analyse nocturne du sous-sol genevois. Il est vrai que la région genevoise a une potentiel géothermique prometteur qui pourrait couvrir 20% des besoins totaux de Genève en chaleur et en froid d’ici 2035 !! (article sur RTS). Des camions font vibrer le sol et les résonances sont enregistrées par des capteurs ce qui permettra de déterminer les lieux les plus prometteurs en matière de géothermie.

Si Genève est une région très prometteuse, le canton de Vaud dispose aussi d’un potentiel prometteur qui est estimé à 350 GWh/an, soit l’équivalent de l’alimentation en chaleur de 20’000 ménages. Pour l’exploiter, le Canton mise sur la création de 20 centrales géothermiques d’ici à 2050. Deux projets sont déjà bien avancés : à Vinzel, un forage à 2’200 mètres de profondeur est prévu pour alimenter un chauffage à distance, à Lavey-les-Bains c’est un forage de 2’300 à 3’000 mètres qui permettra de produire à la fois de l’électricité (4 GWh/an) et de la chaleur pour les bains thermaux (15 GWh/an). D’autres projets sont également en cours de planification. (voir le cadastre de géothermie basse température sur le géoportail  vaudois www.geo.vd.ch  [thème énergie]).

Dans le journal 20 minutes on apprend aujourd’hui que des boîtiers de mesures ont été vandalisés à Genève avec des dégâts se montant à 90’000.- Frs. Des bouteilles ont même été lancées sur des employés. On apprend également que les vibrations ont été plus fortes que prévu et que les camions vibreurs les plus bruyants ont été retirés pour ménager la population et certainement pour éviter d’attiser les oppositions.

En ce qui concerne le vandalisme, l’article ne nous donne pas les raisons, mais on peut constater que malgré l’urgence climatique et les objectifs nécessaires de diminution de nos émissions polluantes, les projets d’exploitations d’énergies renouvelables entraînent souvent de fortes oppositions. Même si certaines oppositions sont parfois compréhensibles, on doit reconnaître que le principe du « not in my backyard« ,  l’opposition absolue à tout risques financiers ou technologiques (même très faibles) et la non acceptation de tout désagrément, même temporaire, sont à l’oeuvre.

Dans le cas de la géothermie, les risques sont très réduits, mais l’expérience du mini « tremblement de terre » survenu lors d’un forage dans la région bâloise permet à certain d’attiser les craintes. De plus, les ressources ne sont jamais garanties. En effet, certains forages, comme celui de  St-Gall, se sont révélés décevants. (voir nos posts précédents).

En ne voulant rien changer, en n’acceptant aucun compromis ou risque, la Suisse ne pourra jamais atteindre ses objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre. Ne pourrait-on pas prendre exemple sur les ingénieurs et décideurs courageux qui dans les années ’50 ont développé nos grands barrages hydrauliques et ont permis à la Suisse de disposer aujourd’hui d’une production électrique majoritairement renouvelable ?

L’information à la population a été faite, de nombreux articles et des documents didactiques produits, mais on peut constater que la sensibilisation de la population et des jeunes en particulier est un travail inlassable pour contrer les « fake news », les exagérations, et les lobbys du « non changement ». Il est important d’apporter des renseignements crédibles et mesurés, ne jamais cacher les compromis et risques nécessaires tout en démontrant que ceux-ci sont acceptables en comparaison des bénéfices que nous pourrons tirer d’une société énergétiquement durable.

 

Energies « vertes » : toutes les vérités sont bonnes à dire, mais alors toutes !

Le questionnement d’une enseignante et de ses collègues et élèves sur le documentaire « la face cachée des énergies vertes » vu il y a quelques temps à la TV nous donne l’occasion de vous faire part de notre réflexion sur cette thématique controversée. A une époque où l’éducation aux médias est un enjeu majeur, ce film nous rappelle combien il est important de remettre les propos d’un auteur dans leur contexte, de questionner les sources, et de prendre du recul par rapport au message délivré.

Il est vrai qu’au visionnement de ce reportage, on pourrait être tenté de remettre en question nos certitudes sur les énergies renouvelables. En effet, l’enquête se targue de faire la lumière sur leur « face cachée passée sous silence tant les enjeux industriels et politiques sont considérables ». En pointant les métaux rares nécessaires, la pollution des environs des sites d’extractions ou encore le problème du recyclage des installations, ce film de G. Pitron et J.-L. Pérez dresse un bilan catastrophique de la direction qu’est en train de prendre la transition énergétique articulée par les politiques de nos pays « industrialisés ».

C’est justement le ton particulièrement négatif utilisé dans ce reportage, uniquement à charge, comme le soulève C. Pacary, dans sa critique publiée dans « Le Monde », qui dérange. En effet, le film pointe seulement les problèmes posés par l’utilisation des technologies solaires et éolienne, ainsi que l’électrification de notre mobilité. Or, on ne nous apprend rien en montrant que les énergies renouvelables ont des défauts. Ce ne sont d’ailleurs pas les seuls, si on mentionne encore leur intermittence, ou les difficultés de stockage, par exemple. Pourtant si on avait trouvé une source d’énergie sans défaut, on n’aurait pas de problème avec notre utilisation d’énergie. Malheureusement une telle source n’a pas encore été découverte. Et n’existe peut-être pas…

Il aurait dès lors été plus constructif de mieux mettre en balance ces problèmes avec les avantages des énergies renouvelables ou encore les défis également monumentaux que pose l’utilisation des énergies non-renouvelables actuellement. Citons par exemple la pollution induite par l’extraction des hydrocarbures non-conventionnels, auxquels nous devrons avoir de plus en plus recours (ex : gaz de schiste). Rappelons également qu’avec les énergies renouvelables, la pollution concerne surtout la partie « transformation », donc les installations de transformation d’énergie primaire en électricité. Or, une fois que toutes ces « centrales électriques » seront installées, la production d’électricité renouvelable aura relativement peu d’impacts. En revanche, avec les énergies non-renouvelables, en plus des impacts liés aux installations de transformation, la pollution provient principalement de la ressource et est donc sans fin.

Image tirée du film La face cachée des énergies vertes

De plus, certaines méthodes du reportage nous semblent discutables comme celle de présenter une situation d’échec très spécifique pour invalider une technologie. Ainsi, un champ d’éoliennes démantelées et laissées sur place est présenté. On comprend bien que si ce chantier avait été géré correctement, cette situation ne se serait produite. Dans le même ordre d’idée, il est arrivé que toute une flotte d’un modèle de voiture soit rappelée à l’usine en raison d’accidents imputés une erreur de conception sans que cela remette en cause toute la filière automobile. A l’exception du nucléaire, dont les conséquences d’un accident sont incalculables, un cas de mauvaise mise en place ne devrait pas être utilisé pour invalider l’ensemble d’une technologie.

Le problème du message laissé par ce reportage est que si l’on s’arrête à pointer du doigt les énergies renouvelables sans rappeler celui des économies d’énergie et de la sobriété en général, cela revient à se convaincre de ne rien changer à notre société ou nos habitudes. Rappelons que c’est exactement le genre d’arguments qu’affectionnent pro-énergies fossiles, pro-nucléaires voire certains climato-sceptiques. Interrogés par des journalistes et internautes (ici et ici), les auteurs ont eu l’occasion de répondre que leur intention était juste d’informer et alarmer mais qu’au fond leur avis est bien sûr en faveur des énergies renouvelables et de la sobriété énergétique. Cependant, c’est leur reportage diffusé en heure de grande écoute qui a fait beaucoup de bruit, dans lequel ces prises de position restent, à notre sens, trop discrètes.

Sur cette thématique complexe, il est d’autant plus important de sensibiliser les élèves et le public en général à garder un regard critique face à l’information. Or, dans ce domaine en constant progrès, les chiffres changent très vite et on se retrouve souvent face à 2 affirmations totalement contradictoires. Ex : un rapport de l’ADEME de 2012 cité dans le reportage dont les conclusions seraient que les impacts environnementaux d’un véhicule électrique sont aussi importants que ceux d’un véhicule thermique. Or, une étude du PSI de 2020 (citée par Marc Müller[1] dans cette vidéo qui analyse le reportage) affirme que dans la grande majorité des cas, les impacts sont moindres pour l’électrique que pour le thermique. Ce qui était sûrement vrai il y a seulement 10 ans peut être dépassé aujourd’hui.

Au passage, rappelons que la transparence des sources utilisées est souvent un gage de crédibilité. Citons à ce propos le calculateur développé par le PSI en parallèle à l’étude précitée, qui permet de visualiser les impacts environnementaux (émissions de CO2, mais aussi d’autres indicateurs) de véhicules électriques, à hydrogène et moteurs thermiques avec différents carburants.

Pour terminer, ce reportage a le mérite de nous rappeler et illustrer quelques côtés négatifs des énergies renouvelables peu souvent cités, il est vrai. Dès lors, à nous de poursuivre la réflexion intelligemment pour aller vers une transition énergétique rationnelle. Citons deux pistes particulièrement sensées :

  • chaque filière énergétique mérite une réflexion globale, dans une perspective circulaire, afin de prendre en compte tout le « cycle de vie ».
  • les objectifs ne doivent pas être perdus de vue et fondus dans les défis technologiques. Sinon on se retrouvera avec des productions d’électricité 100% renouvelables mais une consommation colossale ou encore des voitures de plus en plus électriques, mais beaucoup trop lourdes, trop nombreuses, trop souvent utilisées et « mal » fréquentées.

Voilà encore quelques points à retenir pour les animations :

  • Garder les termes scientifiques et un ton neutre :
    • Renouvelables au lieu de propres ou vertes.
    • Pollue peu, moins, plutôt que ne pollue pas.
  • Veiller à l’exactitude des termes :
    • Renouvelable = solaire, éolien, mais aussi hydraulique et biomasse et géothermie
  • Se souvenir qu’il n’existe pas (ou n’a pas encore été découverte) une source d’énergie à zéro impact. C’est pourquoi dans le message que l’on laisse aux élèves, l’utilisation rationnelle de l’énergie et la sobriété sont primordiales.

 

Merci à Martin Reeve pour sa relecture et ses conseils avisés et à Aline Clerc pour ses inputs.

 

[1] Auteur du film « A contresens », une enquête sur l’information autour de la voiture électrique.

Déchets nucléaires suisses : le point de la situation

Alors que la Suisse a décidé à moyen terme de sortir du nucléaire et que la centrale de Mühleberg sera fermée d’ici la fin de l’année 2019, la question de la gestion des déchets nucléaires reste entière. En effet, même une fois sortie du nucléaire, la Suisse devra trouver des solutions pérennes pour maîtriser la gestion des déchets nucléaires qu’elle aura généré pendant 50 ans.

Selon la Confédération, ces déchets (y compris ceux provenant de l’industrie, de la recherche et de la médecine) représentent un volume de quelque 100’000 mètres cubes, dont près de 90 % de déchets faiblement ou moyennement radioactifs (DFMR) et 10% hautement radioactifs (DHR). Certains de ces déchets devront être stockés 1 millions d’années pour ne plus représenter de danger pour l’être humain.

Les déchets radioactifs sont actuellement stockés dans des halles à proximité des centrales nucléaires et dans deux dépôts intermédiaires en Argovie. Il s’agit donc de solutions provisoires.

Une des solutions « définitive » consisterait à les enfouir dans des couches géologiques très profondes et stables.

En Suisse c’est la CEDRA/NAGRA (Conditionnement et d’Entreposage de Déchets RAdioactifs) qui est chargée par la Confédération et les producteurs de trouver des emplacements adéquats.

La procédure pour déterminer des sites adéquats passe par une série d’étapes définies dans un Plan sectoriel «Dépôts en couches géologiques profondes» (PSDP).

  • 2008-2011 – Proposition de 6 emplacements possibles
  • 2011-2018 – Sélection de deux sites au moins par type de dépôt
  • 2018-2029 – Forages, choix définitifs et autorisations
  • 2030-2031 – Approbation par les autorités (votation éventuelle)

La CEDRA/NAGRA a proposé 6 sites possibles pour les déchets hautement radioactifs (DHR) et moyennement à faiblement radioactif (DFMR) :

Image : fit-320×320.jpg

Parmi ces sites, la CEDRA/NAGRA  a ensuite sélectionné deux sites pouvant accueillir tant des déchets (DHR) que (DFMR) :

  • Jura-est (canton d’Argovie)
  • Zurich nord-est (cantons de Thurgovie et de Zurich)

Le Conseil fédéral a décidé que ces deux emplacements ainsi que celui de « Nord des Lägern » devaient encore faire l’objet d’études complémentaires. Cela signifie que 3 sites restent en course pour accueillir nos déchets nucléaires. Des emplacements de surface ont aussi été déterminés.

La CEDRA/NAGRA a déposé 23 demandes d’autorisation pour des forages profonds. En avril 2019, le premier forage a commencé à Bülach suivi en août d’un deuxième à Trüllikon.

Si la Confédération avance de manière très progressive, c’est que la question de la gestion des déchets nucléaire est extrêmement délicate et controversée. En effet, comment garantir que dans le million d’années à venir, les déchets enfouis, même à 1 kilomètre de profondeur, ne représenteront pas de danger pour la population ?

Si l’on se place du point de vue du site kernenergie.ch (site d’information des producteurs d’énergie nucléaire)  l’enfouissement en couche profonde des déchets nucléaires n’apporte que des avantages :

… A 500 à 700 mètres de profondeur, les déchets radioactifs sont si éloignés et si bien isolés de l’espace de vie des humains que l’on peut sans crainte les oublier, indépendamment des évolutions sociales et climatiques qui se produisent à la surface de la Terre.

Ce que l’on peut rétorquer à ce point de vue très « optimiste », c’est que dans le monde aucun enfouissement profond de déchets nucléaires de haute radioactivité n’a jamais encore été réalisé… L’énergie nucléaire n’a-t-elle pas finalement comme principal défaut de dépasser l’entendement humain avec toutes les conséquences possibles qui en découlent ?

Le charbon de mine a-t-il encore de l’avenir ?

Malgré toutes les prises de conscience et les discours, le charbon reste la source d’énergie la plus utilisée dans le monde pour la production d’électricité. Faut-il alors penser que l’avenir sera aussi noir que le charbon ?

Deux articles récents du Guardian, nous apportent quelques raisons d’espérer :

Le premier article informe que le nombre de nouvelles centrales au charbon mise en chantier a chuté de 85% depuis 2015 et de 39% rien que pour 2018. Il faut néanmoins relativiser ces chiffres car cela signifie que de nouvelles centrales sont toujours mises en chantier et que des pays comme la Chine ou l’Inde se sont massivement équipées en centrales au charbon depuis le tournant du siècle. Et ces centrales seront fonctionnelles pendant des dizaines d’années. Toujours est–il que la Chine n’autorise en 2018 que 3GW de puissance pour de nouvelles centrales électriques au charbon alors que la même autorisation était de 184GW en 2015.
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Le second article fait l’écho d’une étude qui, reprenant les chiffres de l’EIA (Energy Information Agency), arrive à la conclusion que la production d’électricité à base de charbon aux Etats-Unis est maintenant moins rentable que l’électricité d’origine solaire ou éolienne. Partant d’une production d’électricité dans un rayon de 54km autour des centrales, cette étude estime que la production d’électricité à base de charbon est dans 74% des cas plus coûteuse.
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Ceci s’explique par un coût de maintenance toujours plus élevé pour les centrales au charbon et aux normes de pollution toujours plus sévères à respecter. L’auteur conclut que l’on est arrivé à un point de basculement et qu’il y a un grand avenir pour les énergies solaires et éoliennes.

Malheureusement, le gouvernement du Président Trump est  en train, par divers décrets, de déréguler les normes anti-pollution. Il est ainsi peu probable que les USA se dirigent vers un remplacement complet du charbon par des alternatives renouvelables et peu polluantes.
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L’Europe semble montrer plus de volonté à sortir du charbon, mais parmi les 10 entreprises  les plus polluantes de l’Union européenne, les 9 premières sont productrices l’électricité à base de charbon. La dixième place revient, et c’est une nouveauté, à Ryanair ! Le Guardian peut ainsi titrer « Ryanair_is_the_new_coal… », « Ryan air est le nouveau charbon… »! Il est vrai qu’avec le développement du trafic aérien, cette compagnie a accru ses émissions de gaz à effet de serre de 50% en 5 ans…
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La géothermie a de l’avenir, même en Suisse.

Il est important de distinguer deux types de géothermie :

Les forages géothermiques verticaux pour pompe à chaleur
Dans ce cas on creuse entre 120 et 150 mètres de profondeur. A ces profondeurs une température de 8°C à 15°C est exploitée. Il s’agit donc de géothermie à « basse température ». Pour que cette chaleur soit utilisable dans la maison il est nécessaire de l’augmenter à l’aide d’une pompe à chaleur. Cette dernière nécessite de l’énergie (souvent électrique) pour fonctionner, mais le bilan est positif par rapport à un chauffage électrique direct car on parvient généralement à puiser les 2/3 de l’énergie dans l’environnement pour seulement 1/3 d’énergie électrique pour le fonctionnement de la pompe à chaleur. Ce système est bien entendu optimal si l’électricité utilisée est d’origine renouvelable !

Les forages géothermiques de moyenne et grande profondeur
Ceux-ci nécessitent des forages de centaines de mètres voire de kilomètres pour atteindre des zones très chaudes, suffisantes pour chauffer directement des bâtiments ou même actionner des turbines et produire de l’électricité. Dans ce cas, il s’agit de géothermie à « haute température ». Si en Suisse les pompes à chaleur géothermiques se sont beaucoup développées ces dernières années, en particulier dans le domaine des villas, la géothermie profonde a connu des échecs qui ont beaucoup « douché » les espoirs qu’elle avait fait naître.

  • En 2006, Un projet bâlois de forage à 5 kilomètres de profondeur a causé un très petit séisme sans conséquences (3,4 sur l’échelle de Richter). Ceci à suffit à suspendre puis annuler tout le projet. Cet échec à offert aux détracteurs de la géothermie profonde un argument pour s’opposer à tout nouveau projet en agitant le spectre du tremblement de terre. Cela a été le cas par exemple à Haute-Sorne dans le Jura, mais les opposants ont été déboutés par le Tribunal fédéral en décembre 2018, les risques étant jugés très faibles.
  • Dans le canton de St-Gall, un autre projet de 4’000 mètres de profondeur n’a finalement pas trouvé assez d’eau chaude exploitable. Le projet a été totalement abandonné en 2014.

Si l’un de ces deux projets avait été couronné de succès il est fort à parier que la géothermie profonde aurait connu un beau développement en Suisse. Ceci est d’autant plus décevant que théoriquement elle représente un immense potentiel. Mais les sous-sols suisses à 4-5km de profondeurs sont en fait très peu connus ce qui rend le succès d’un forage encore très aléatoire.

Pourtant tout n’est pas si noir puisque de nouveaux projets sont en cours ou annoncés et ceci particulièrement en Suisse romande :

Le projet à Glovelier dans la commune de Haute-Sorne (JU)
La centrale d’une puissance de 3 à 5 MWel / 20-30 MWth mégawatts prévue devrait fournir de l’électricité à 6000 ménages. Le procédé retenu par la société en charge repose sur un réseau de fissures créé par stimulation hydraulique dans des couches cristallines. Il rend les roches perméables à l’eau à des profondeurs de 4000 à 5000 mètres et permet de récupérer la chaleur régnant à ces niveaux.

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Le projet de Lavey
Depuis plus de 10 ans des projets pour exploiter le potentiel géothermique de Lavey sont annoncés. En effet, en plus de l’eau chaude utilisée par les bains et qui parvient « naturellement » en surface, il est certain qu’en creusant plus profondément, il serait possible d’exploiter de beaucoup plus grandes quantités d’eau chaude. En décembre 2018, une société (AGEPP – Alpine Geothermal Power Production) regroupant des acteurs privés et publics dont l’État de Vaud a lancé une consultation publique pour un forage de 2’000 à 3’000 mètres de profondeur. L’objectif est de capter de l’eau à 110°C avec un débit suffisant pour produire avec une turbine à vapeur, 4.2 millions de kWh par an, soit la consommation électrique d’environ 1’400 ménages. Après son passage dans la turbine, l’eau encore chaude pourrait être utilisée pour un chauffage à distance. >>lavey_geothremie.pdf

Le projet de Vinzel
A Vinzel, près de Nyon dans le canton de Vaud, un autre projet va être lancé. Ce projet prévoit un forage à 2’000 mètres de profondeur qui devrait permettre d’atteindre de l’eau à 85°CCette chaleur permettrait de réaliser un chauffage à distance qui pourrait alimenter notamment une bonne partie des bâtiments de Gland. Comme tout forage il y a une part d’incertitude et il est à espérer que le débit d’eau chaude se révèlera suffisant. vinzel_geothermie_

Les projets genevois
La région genevoise est connue pour disposer d’un potentiel intéressant dans le domaine géothermique. Un premier forage à Thonex en 1993 n’avait malheureusement pas permis de disposer des débits d’eau chaude espérés ce qui a freiné le développement de la géothermie genevoise. Depuis quelque temps, l’intérêt pour la géothermie a été relancé. Un forage exploratoire à Satigny de 744 mètres de profondeur a permis en 2018 de confirmer l’existence de quantités conséquentes d’eau chaude. Ce forage de moyenne profondeur sera suivi d’autres dans divers régions du canton de Genève (en 2019 à Lully – commune de Bernex) et jusqu’en 2020. Ensuite des forages dépassant 1’500 mètres de profondeur pourront être entrepris. https://www.geothermie2020.ch/

Nous savons depuis longtemps que les solutions devront être multiples pour nous assurer un avenir énergétique durable. C’est en additionnant les nouvelles sources d’énergie renouvelables avec l’efficacité énergétique, que nous pourrons nous affranchir à terme de notre dépendance aux énergies fossiles. Il est donc réjouissant de constater que des projets de géothermie profonde sont enfin relancés en Suisse.

Energies renouvelables et environnement

Dans le domaine de l’énergie rien n’est simple.

Bien entendu, le développement des énergies renouvelables se justifie pleinement et représente avec l’efficacité énergétique et les changements de comportements l’un des leviers les plus puissants permettant de lutter contre le réchauffement climatique.

Mais les énergies renouvelables peuvent aussi avoir des impacts sur l’environnement. Par exemple, un barrage a un impact non négligeable sur le paysage et sur les milieux aquatiques, dans le cas du chauffage au bois, celui-ci n’émet pas que du Co2 qui est régénéré dans un cycle mais également des particules fines polluantes, et toute technologie nécessite de l’énergie (grise) pour être mise en place.

Les opposants aux changements sont les premiers à utiliser ces arguments pour freiner tout développement des énergies renouvelables. La seule façon  de résoudre ces contradictions  est de ne pas les nier mais d’évaluer les avantages et défauts de chaque technologie pour aboutir à un choix rationnel.

Cette question se pose de manière particulièrement claire dans les débats sur l’énergie éolienne. Un article du journal 24heurs de début janvier fait le point sur le développement de l’énergie éolienne en Suisse. Le bilan est contrasté, certains projets ont été refusés par le vote des habitants, d’autres progressent et se réaliseront. Ce qui ressort de l’article c’est que  les fronts se durcissent entre opposants et défenseurs. Mais ces différents cas permettent aussi petit à petit de créer une sorte de « jurisprudence » permettant d’écarter les arguments à la limite de l’irrationnel ou de l’honnêteté brandis par certains opposants. Par exemple, si l’impact sur les oiseaux ne peut pas être nié, il s’agit aujourd’hui de l’estimer précisément pour répondre aux chiffres fantaisistes des opposants. A Soleure, des oppositions d’habitants situés à 2,3 km qui craignaient des infrasons, la pollution des eaux et les accidents des éoliennes ont été déboutés.

Il est peu probable qu’un camp puisse convainque l’autre, mais au moins la population pourra choisir en toute connaissance de cause sans entrer dans une irrationalité entretenue sciemment par certains. De plus, des exemples de réalisations concrètes permettront d’apporter un retour sur la réalité vécue des impacts en Suisse et non plus des exemples sélectionnés à l’étranger en fonction de leur capacité à soutenir une thèse plutôt qu’une autre. C’est ce processus de clarification qui est en marche et qui permettra, à n’en pas douter, un développement plus apaisé de l’énergie éolienne en Suisse.

L’électricité hydraulique a-t-elle un avenir ?

Ces dernières années les grandes entreprises productrices d’électricité suisses (Alpiq, Axpo) ont annoncé de très gros déficits. Cela s’explique principalement par le fait que l’électricité hydraulique est de moins en moins rentable face à une surcapacité de production en Europe résultant en partie du développement des nouvelles énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque), massivement subventionnés. Dans le passé, il était toujours rentable de turbiner l’eau des barrages aux heures de pointes en vendant l’électricité très chère à l’étranger. Aujourd’hui, il suffit que du vent et/ou du soleil soient présents à ces heures pour que l’électricité soit rachetée très bon marché car abondante.
En crise, les barrages suisses s’infligent une cure d’austérité – Le Temps

Cette situation a mené l’entreprise Alpiq à annoncer qu’elle était prête à vendre certains de ses barrages…
Alpiq veut céder la moitié de ses barrages – Le Temps

Dans le même temps, les redevances versées aux cantons sur le territoire desquels se situent les barrages sont en rediscutions. Les propriétaires de barrages, sur la base de la situation très difficile du marché avec des prix d’achat très faibles, souhaitent diminuer fortement ces versements. Les cantons Alpins, dont le Valais, se sont exprimés fortement contre toute baisse de ces redevances hydrauliques. Les cantons alpins défendent chèrement la redevance hydraulique – Le Temps

La situation semble bien sombre pour l’hydro-électricité suisse, mais quelques signes positifs sont à relever :

– En votant en faveur de la stratégie énergétique le 21 mai, les Suisses ont accepté de soutenir leurs barrages tout en abandonnant le nucléaire. Parallèlement certaines pressions politiques sont en cours pour que les pouvoirs publics soutiennent encore plus fortement le secteur.

– Alpiq a finalement décidé d’abandonner son idée de vendre ses installations hydrauliques. Celles-ci vont donc rester en mains suisses, mais cela signifie aussi qu’Alpiq n’a peut-être pas trouvé d’acquéreurs au prix demandé…
Alpiq renonce à vendre une partie de ses centrales hydroélectriques – Le Temps

– Les projets hydrauliques ne sont pas tous bloqués. Par exemple, la centrale de pompage-turbinage des Forces Motrices Hongrin-Léman à Veytaux (près de Villeneuve) vient d’inaugurer deux nouvelles unités de production qui permettent de doubler la puissance. Même si le projet a vacillé face à la situation du marché, il a quand même été mené en grande partie à terme.Energeia – n° 3/17

Les années prochaines seront cruciales. L’énergie hydraulique saura-t-elle résister à court terme à la pression du marché ? Ce serait souhaitable car beaucoup d’analystes pensent que l’hydraulique a de l’avenir. En effet, les barrages restent la seule manière vraiment efficace et à grande échelle de stocker les surproductions d’électricité De plus, toutes les sociétés productrices d’électricité en Suisse ne sont pas dans les chiffres rouges. Les distributeurs locaux, qui disposent entre autres de beaucoup de clients captifs sont moins touchés par ces distorsions du marché.

MR&LM

Des capteurs solaires blanc, pour quoi faire ?

La nouvelle a fait le tour des médias.
Le Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM) de Neuchâtel est parvenu a produire des panneaux photovoltaïques blancs.

Cette prouesse technologique doit néanmoins nous interroger.

  1. Pourquoi est-il intéressant de disposer de panneaux blancs ?

Il est probable que des panneaux de couleur puissent convenir aux désirs de certains architectes ou propriétaires. Mais, d’un autre côté la couleur actuelle des panneaux photovoltaïques (très uniforme et sombre) n’est pas laide. Doit-on en conclure qu’il existe une résistance de certaines personnes et qu’il est nécessaire de leurs proposer des couleurs différentes pour qu’ils acceptent enfin d’intégrer une production électrique photovoltaïque sur leurs bâtiments ?

Il semblerait que la couleur blanche limiterait les effets de production d’air chaud lorsque des capteurs sont placés le long de façades (effets observés avec des capteurs sombres).

  1. Est-ce que l’utilisation de cette technologie a des conséquences ?
    Selon un article du Temps le coût serait de 150 à 200 francs le mètre carré, contre 100 à 150 francs pour un panneau sombre classique. De plus, le rendement d’un capteur photovoltaïque standard à 18% tomberait avec la surface blanche à 10%.

On voit dans cet exemple, qu’il faut être vigilant quand on apprend ce type de nouvelle. S’agit-il vraiment d’une révolution lorsque pour simplement disposer de panneaux blancs le coût augmente sensiblement et le rendement est pratiquement divisé par deux ?

Même si ces développements sont intéressants, ils révèlent aussi une difficulté à faire accepter les nouvelles technologies renouvelables. Il semble qu’on est prêt aujourd’hui à sacrifier les performances déjà relativement faibles des cellules photovoltaïques pour satisfaire la résistance de certains acteurs.

G comme Genève et Géothermie

La RTS a annoncé aujourd’hui le début de la prospection du sous-sol genevois dans le cadre du projet cantonal GEothermie 2020.

voir pdf de l’annonce sur le site RTS

Pour le moment, il s’agit de faire vibrer le sol et mesurer les échos en retour. Cette technique est également utilisée pour la prospection de champs pétrolifères.

Si les premiers résultats sont positifs, il faudra encore creuser très profondément pour savoir si des ressources exploitables sont bien au rendez-vous.

Selon la dépêche, la géothermie pourrait couvrir les 2/3 des besoins de chaleur de Genève. Mais comme l’ont montré les expériences de Bâle et St-Gall, il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir « foré ».

Dans le canton de Vaud, à Lavey, un gros projet devrait aussi démarrer prochainement (2015 ?). Celui-ci prévoit de forer un puits profond de 2000 à 3000 m pour capter de l’eau très chaude et produire de l’électricité ainsi que chauffer à distance des bâtiments à Lavey et Saint-Maurice.

Ces projets sont une bonne nouvelle car cela montre que la filière n’est pas abandonnée. Peut-être que le salut de la géothermie viendra de Suisse romande. Si l’un de ces projets réussit, ce sera la meilleure façon de combattre les réticences et les craintes que les derniers essais infructueux ou « secouants » ont suscités.


Pour plus d’infos, dossier rts-découverte