Dans le courrier des lecteurs du 24heures du 10 mars 2020, les propos d’un certain André Bovay-Rohr, Physicien à Colombier, a retenu toute mon attention. Répondant à un autre courrier de lecteur, il y réfute l’influence du CO2 sur le réchauffement climatique et souhaite la disparition des traités et des COP qui préconisent la diminution de notre production de gaz à effet de serre. Pour ce faire, il se base sur les travaux d’un certain Professeur Franz-Karl Reinhart. (si le texte de l’article ne s’affiche-pas, rendez-vous sur le blog info-énergie).
Notre première réaction pourrait être de balayer de la main ce genre d’affirmation qui va à l’encontre du consensus scientifique actuel.
L’on pourrait aussi réfuter de façon scientifique et étayée ces théories comme le fait par exemple ici l’enseignant et ingénieur EPF Jean-Claude Keller : http://www.conferences-climat-energie.ch/ConferencesClimatEnergie/ClimatoRealistes_files/CritiqueArticleReinhart-1.pdf
Fichier : CritiqueArticleReinhart-1
Mais comme nous ne sommes pas des scientifiques spécialisés dans le domaine du climat, il nous est difficile d’entrer valablement dans ce type d’argumentation.
Une autre attitude consiste à rechercher des éléments factuels nous permettant de nous distancier de ce type d’argumentation. Une petite enquête sur le World Wide Web peut nous y aider.
Qui est ce professeur Franz-Karl Reinhart ?
Son profil sur le site Internet de l’EPFL nous indique qu’il s’agit d’un ingénieur à la retraite de plus 85 ans spécialisé en électronique et qui s’est consacré plus particulièrement à « modulation électro-optique dans les guides d’onde à jonction p-n, aux lasers semiconducteurs à injection et à l’optique intégrée monolithique » et a enseigné dans le domaine de l’optique et de la physique du solide.
Si c’est bien un scientifique, force est de constater que son champ d’étude est très éloigné des questions climatiques. De plus son article a été écrit en 2014, alors que le professeur Reinhart était de longue date à la retraite.
C’est ici qu’intervient le prestige du titre de professeur dans une haute école qui permet de donner crédit à des théories élaborées finalement par des non spécialistes.
On retrouve la même technique lorsque des mouvements climato-sceptiques citent une pétition de 500 scientifiques qui s’opposeraient à l’urgence climatique. Outre le fait que cette lettre ouverte a été élaborée par un ancien ingénieur de Royal Dutch Shell, le titre d’ingénieur n’est de loin pas suffisant pour avoir un avis étayé en la matière. Une analyse des signataires est d’ailleurs édifiante puisqu’elle ne contient pas de climatologues, comme le relève Richard-Emmanuel Eastes dans un blog du Temps :
https://blogs.letemps.ch/richard-emmanuel-eastes/2019/09/26/des-scientifiques-contre-lurgence-climatique/.
Fichier : Des “scientifiques” contre l’urgence climatique – Savoirs en société
On pourrait rétorquer que « notre » prix Nobel Dubochet milite de son côté pour répondre à l’urgence climatique alors que ses recherches n’avaient pas de lien avec le climat. Mais il le fait en tant que citoyen et se base sur les travaux de ses confrères du domaine qui, de façon quasi unanime, alertent sur les causes anthropiques du changement climatique.
Il faut ici souligner que dans le domaine des sciences, qu’elles soient dures ou humaines, les chercheurs se reposent sur les études d’autres scientifiques pour progresser dans leurs recherches. Mais cela implique que ces études aient été publiées dans des revues scientifiques reconnues et validées scientifiquement en passant par les fourches caudines de comités de lecture composés de sommités du domaine (pairs).
Il est à noter que les théories de Franz-Karl Reinhart n’ont pas été publiées dans une revue scientifique de renom comme le relève Jean-Claude Keller dans son analyse. Cette absence de publication dans une revue scientifique est un indice de plus qui devrait nous mettre sur nos gardes. Une petite recherche de son article « Infrared absorption of atmospheric carbon dioxide » permet de retrouver un pdf hébergé sur le blog d’un certain André Bovay-Rohr… http://www.entrelemanetjura.ch/BLOG_WP_351/wp-content/uploads/2017/01/2017.01-20-FKR-sur-CO2.pdf
C’est d’ailleurs ce qui était arrivé au GIEC dont les conclusions étaient remises en cause par des sommités scientifiques américaines dans des publications grand public, sans passer par la validation de revues scientifiques ; ce qui allait à l’encontre de tout ce que ces chercheurs avaient fait dans leur propre domaine. On s’est ensuite rendu compte qu’ils étaient financés par des entreprises en lien avec des énergies fossiles pour « vendre du doute » c’est-à-dire utiliser leur crédit de scientifiques pour proposer d’autres hypothèses et affaiblir ainsi l’influence du GIEC. Plusieurs d’entre eux avaient d’ailleurs auparavant relativisé l’influence du tabac sur le cancer « en échange » de financements provenant des cigarettiers.
https://www.rts.ch/play/radio/impatience/audio/les-marchands-de-doute?id=3781987
En cherchant sur Internet le nom de Franz-Karl Reinhart on retrouve un article élogieux sur le site lesobservateurs.ch, un site visiblement islamophobe et d’extrême droite. On y précise que Franz-Karl Reinhart s’oppose à la Stratégie énergétique 2050 de la confédération, qui serait irréaliste et mettrait en danger notre compétitivité internationale et impliquerait une perte de niveau de vie et de confort. Même si rien ne nous dit que Reinhart partage ce type d’idéologie, on voit bien que ses positions sont très bien accueillies par ces milieux extrémistes.
A noter que dans le cas de la liste des 500 scientifiques opposés à l’urgence climatique, des liens avec des mouvements d’extrême droite ont également pu être démontrés.
https://lesobservateurs.ch/2014/10/03/transition-energetique-professeur-epfl-franz-karl-reinhart-denonce-sens-va-mettre-en-danger-notre-competitivite-internationale-impliquer-perte-niveau-vie-confor/
Fichier : Transition énergétique
Qui est André Bovay Rohr ?
Une petite recherche nous montre qu’André Bovay Rohr est très actif sur internet, en particulier pour ajouter des commentaires aux articles.
A la suite d’un article de 2018 publié dans Le Bulletin « Quel bilan pour le photovoltaïque », il ajoute un commentaire pour réfuter le potentiel du photovoltaïque et faire comprendre que sans le nucléaire, les Suisses devront se serrer la ceinture.
https://www.bulletin.ch/fr/news-detail/quel-bilan-pour-le-photovoltaique.html
Fichier : novotny
A la suite d’un article dans le Migros Magazine, « Déchets radioactifs : qui veut d’un site d’enfouissement près de chez lui » André Bovay Rohr sous-entend l’existence de solutions de retraitement des déchets et d’extraction de l’énergie restante. En guise de validation, il renvoie sur un blog sur lequel il semble être particulièrement actif…
La revue Vigousse, nous apprend non sans humour que ce même André Bovay-Rohr, physicien de son état, a envoyé le 28 décembre 2016 une lettre à tous les géologues cantonaux arguant que le réchauffement climatique serait dû au « prélèvement massif d’énergie sur les courants aériens par de vastes champs d’éoliennes, à l’étranger et en Suisse à l’échelle industrielle ». On y apprend qu’il est « un adepte fervent de l’atome »
http://www.vigousse.ch/numeros/261/pdf/Vigousse_no261.pdf
Fichier Vigousse_no261
Finalement, dans un blog du temps « Débat » André Bovay-Rohr d’avril 2017, il fustige la nouvelle loi sur l’énergie « Le naufrage programmé de la nouvelle loi fédérale sur l’énergie ». Il y argumente l’impossibilité de remplacer le nucléaire sans importer massivement de l’énergie étrangère. Il y minimise le risque radioactif et prétend à nouveau que le moyen de détruire les déchets nucléaires est connu…
https://www.letemps.ch/opinions/naufrage-programme-nouvelle-loi-federale-lenergie
Fichier : Le naufrage programmé
Comment contrer les arguments des climato-sceptiques ?
On a vu, par un petit parcours sur le web, et en se basant sur des points factuels, qu’il est déjà possible de mettre en doute la crédibilité des propos de André-Bovay Rohr.
Pour autant, il est aussi utile de disposer d’information pour contrer l’argumentation des climato-sceptiques. Un article de Pascaline Minet dans le Temps « Manuel de résistance au climatoscepticisme » est une source utile que je vous conseille de consulter.
https://www.letemps.ch/sciences/manuel-resistance-climatoscepticisme
fichier Manuel de résistance au climatoscepticisme – Le Temps
Dans ce cadre l’argument le plus couramment utilisé est que le climat a toujours évolué. La terre a ainsi connu « naturellement » des périodes beaucoup plus chaudes et froides dans le passé. Avant même d’expliquer pourquoi la situation actuelle est atypique (voir l’article de Pascaline Minet), on devrait se poser la simple question suivante : Comment des milliers de scientifiques de très haut niveau, spécialisés dans le domaine du climat et qui consacrent leur vie à l’étudier ne se sont pas rendu compte que le climat pouvait changer à travers les âges et ont proposé à la place une autre théorie ?
Le manuel de résistance au climatoscepticisme énumère aussi quelques profils typiques de climatosceptiques. Franz-Karl Reinhart et André Bovay Rohr correspondent bien à celui-ci :
Les vieux professeurs
A chaque fois que nous faisons paraître un article sur le climat, ils nous écrivent pour nous dire que nous avons tout faux. Ces personnes ont souvent un bagage scientifique, sans pour autant être des spécialistes du climat. Ils pensent que la communauté des climatologues dans son ensemble est incompétente et qu’eux-mêmes détiennent une information clé. Dans cette famille, parfois virulente, on a du temps libre et une vision naïve de ses propres capacités.
On peut aussi ajouter à ce profil que ces vieux professeurs ont été nourris dans leur jeunesse des espoirs extraordinaires que suscitait l’énergie nucléaire civile. De plus, ils ont assisté à un développement matériel et scientifique remarquable qui semblait quasi infini. Il est certainement difficile pour eux d’accepter aujourd’hui qu’une partie de ces rêves soient remis en question.
La grandeur de la science est sa faiblesse
Le doute est au cœur de la démarche scientifique. Toute théorie, même que l’on croit gravée dans le marbre, pourrait être, si cela est démontré scientifiquement, remise en doute. Au niveau du grand public, cette particularité est souvent exploitée par les climatosceptiques. Ainsi lors de débats publics ceux-ci vont invariablement demander au scientifique s’il est 100% certain de ce qu’il avance ; ce qu’il ne peut déontologiquement pas faire. Les climatoscpetiques vont alors utiliser cette position de « faiblesse » qui est consubstantielle aux sciences, pour insuffler le doute dans l’esprit du public. Il est à noter que les climatosceptiques sont généralement particulièrement convaincus de leurs propres théories. Ils semblent ne pas connaître le doute, sauf à l’instiller pour mettre en cause les théories adverses.
Remerciements à Laure pour ses propositions et conseils
Messieurs M. André Bovay et le Prof. Franz-Karl Reinhart ont souhaité répondre à ce post. Voici donc leurs commentaires (sans commentaires…) :
Réponse à l’article de M. Martin Reeve (trouvé dans Animinfo),
ci-après » article MR », de titre:
§ Le Pr. Reinhart dans ses publications relève par calculs que le CO2 a sur l’atmosphère une influence beaucoup moins intense que dans la théorie en cours, selon le consensus décidé au GIEC: ce n’est donc pas le CO2 émis par l’humanité qui aurait la propriété de déclencher un réchauffement climatique global important; mais c’est aux climatologues à assimiler ce fait dans leurs modèles.
L’article MR ne dit pas, quand il le cite, que le thème évoqué par le Pr.Reinhart concerne des travaux en physique (qui avec les mathématiques sert de base à toutes les autres sciences) publiés en 2014 et présentés en anglais, soigneusement étayés, relus par des collègues compétents; l’article MR les catalogue de ce fait à tort en climato-scepticisme, suivant le mauvais exemple de notre Presse et des médias, qui en ont censuré la substance. La critique du Pr. Keller de ces travaux n’a pas résisté à l’examen: il n’a pas compris qu’il s’agissait d’une étude du plafond des propriétés physiques du CO2 et nullement d’un modèle en climatologie.
A propos des remarques concernant le mode de publication du Pr. Reinhart: les revues dites « à comité de lecture » sont une véritable
industrie privée, extrêmement coûteuse et capricieuse: elles refusent parfois arbitrairement et sans recours possible de publier – ce fut le cas ici; il leur arrive aussi de subir, dans une atmosphère de concurrence frénétique, parfois un Lancetgate.
L’article MR cite les travaux scientifiques évoqués sous des termes inappropriés, déplacés ou persiffleurs: « affirmation », « argumentation »,
« théories élaborées finalement par des non-spécialistes », « à l’encontre du consensus scientifique actuel ». La suite de l’article MR rapporte
– à propos du GIEC que d’autres chercheurs (sommités scientifiques américaines) semblablement perturbants par leurs remarques,
seraient des corrompus;
– que le site https://lesobservateurs.ch tenu par le Pr Windisch, ancien de l’Uni de Genève, (le Pr. Reinhart y ayant publié le 3.10.2014 à propos d’électricité en Suisse), serait islamophobe et d’extrême droite.
Un tissu de calomnies, sans rapport avec le sujet, suggérant un abus du titre de Professeur: M. Martin Reeve pour ses insinuations va devoir présenter des excuses et offrir des réparations au Pr. Reinhart et au Pr. Windisch.
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M. Martin Reeve ignore largement le mode de fonctionnement de scientifiques ou d’ingénieurs; dans son article MR, il s’est lourdement trompé dans son exemple. En faisant plus de physique et de thermodynamique, il réaliserait que la disparition de données scientifiques fausses sur le CO2 mettrait fin à une foule de complications, de tracas et de taxes infondées qui nous menacent.
Il cesserait dès lors aussi de faire enseigner à la jeunesse des écoles vaudoises des données scientifiques dépassées – devenues fausses – sans devoir par ailleurs se préoccuper de l’opinion d’une très distinguée cohorte de scientifiques, dont les connaissances sur le CO2 ont besoin de mise à jour.
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André Bovay-Rohr: n’étant pas professeur, je suis physicien de formation et informaticien système de profession, à la retraite depuis 1994, totalement indépendant; ma famille est propriétaire écolo d’une maison: on trouve 20 m2 de panneaux thermiques rentables sur son toit depuis 2005; d’autre part, je suis propriétaire et éditeur du blog « Toutes les énergies » depuis 2010 (de lien actuel
http://www.entrelemanetjura.ch/BLOG_WP_351/). Il est peu plausible, discourtois et calomnieux, de prétendre, je cite: « On a vu, par un petit
parcours sur le web, et en se basant sur des points factuels, qu’il est déjà possible de mettre en doute la crédibilité des propos de André-
Bovay Rohr »; par principe, que ce soit dans mes articles, commentaires ou lettres, leur contenu a fait l’objet de travaux scientifiques ou de calculs, en général publiés dans mon blog; c’est l’auteur de ces affirmations, pour n’avoir pas lu ou pas compris mon blog, en lecture superficielle du web donc, qui se discrédite.
J’ai été très étonné de la publicité malveillante qui m’est faite dans l’article MR, dont je n’ai pas reçu copie lors de sa parution; me voir défini publiquement, selon des sources aussi peu fiables, est plutôt déroutant: par ex. Vigousse ou le « Manuel de résistance au climatoscepticisme » de Mme Pascaline Minet (celui-ci contient une erreur monumentale à propos de CO2 dans le passé lointain).
M.Martin Reeve pour ces offenses va donc devoir me présenter des excuses et m’offrir des réparations.
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En ce qui concerne l’énergie nucléaire civile, les calculs de M.Pr.Reinhart, de M.Bovay-Rohr, et d’électriciens chevronnés, pour le futur de l’électricité en Suisse et en Europe, montrent l’impossibilité technique et industrielle de la remplacer par des énergies renouvelables (comme décrit dans la stratégie énergétique de la Confédération et ancré dans la législation): loin des rêves dont parle l’article MR, ces messieurs en ont averti par écrit les responsables de la Confédération.
L’impossibilité industrielle a son origine dans les conflits prévisibles entre demandes des divers usagers et réponses peu fiables des sources disponibles; pour amener à une efficacité insuffisante des processus considérés, il y a:
1) Les limites imposées par la physique et la technique (et ce sont des ordres de grandeurs des effets considérés!); par exemple le difficile
mariage entre forts besoins incompressibles d’énergies et leurs faibles sources chaotiques, peu stables, peu denses, souvent absentes aux
pires moments, comme l’eau du ciel, le vent ou le soleil.
2) Les aspect de coûts et d’emploi, ainsi que ceux de politique locale et internationale.
3) La protection de l’environnement contre les pollutions inhérentes aux constructions, à la production (qu’on pense aux fumées) et à
l’accumulation (qu’on pense aux barrages).
4) Les considérations de durabilité.
5) Les considérations de limites des ressources (par exemple en terres rares ou en métaux spéciaux).
Le monde officiel s’est dit un peu légèrement que les ingénieurspourraient franchir ces obstacles, alors que même à grande échelle ils s’avèrent en pratique et par calculs insurmontables. La punition pour avoir ignoré les mises en garde – outre le fardeau de dépenses pharaoniques déjà engagées – avec un peu de malchance risque de se manifester en hiver, dans les années qui viennent, sous formes de pannes totales du réseau électrique pour plusieurs jours, à l’échelle des pays européens; ce fut le cas en Australie du Sud dès le 28.9.2016: c’est très douloureux et ruineux, quand ça survient en 12 secondes; dommage d’exposer ainsi le pauvre peuple vaudois et suisse à des risques pareils. Nos élèves méritent d’en être informés, avant de se lancer dans quelques années dans l’acquisition de chauffages à pompes à chaleur ou de voitures électriques.
Pr. Franz-Karl Reinhart Lausanne, le 23 juin 2020
André Bovay-Rohr, Colombier, le 23 juin 2020