L’hydraulique suisse n’a pas dit son dernier mot

Avec la décision de l’abandon du nucléaire et le passage progressif à la mobilité électrique, les besoins en électricité d’origine renouvelable ne feront qu’augmenter en Suisse.

Dans ce cadre, la Confédération a annoncé en décembre 2021 que 15 nouveaux projets hydro-électriques pourraient être lancés ces prochaines années. Cette annonce est le résultat d’une table ronde réunissant Confédération, cantons, associations écologistes et producteurs d’électricité. Ces nouveaux projets hydro-électriques pourraient permettre une production supplémentaire de  2 TWh d’électricité renouvelable. Ceci est réjouissant, car il était souvent dit que la Suisse avait quasi atteint le maximum possible en matière d’électricité hydraulique si l’on tenait compte des contraintes écologiques.

Il s’agit néanmoins de nuancer cette annonce en rappelant que les centrales nucléaires que l’on souhaite remplacer fournissent chaque année environ 19 TWh (2021) d’électricité… Ce surplus ne permettrait ainsi de combler qu’environ 10% de la production nucléaire. De plus, cet accord ne signifie pas forcément qu’il n’y aura pas d’oppositions à ces 15 projets.

Mais au-delà de ces chiffres, il faut aussi noter l’importance de l’électricité hydraulique en tant que « enabler » des autres énergies renouvelables. Comme l’explique un article du magazine « énergies renouvelables » ce terme anglais signifie que l’énergie hydraulique devient une condition nécessaire à l’efficacité des énergies éoliennes et solaires. En effet, les capacités de stockage de l’énergie hydraulique permettent de mettre en réserve les productions intermittentes comme le vent et le solaire pour les délivrer en adéquation avec les besoins.

Cette fonction de stockage devient ainsi toujours plus importante et les procédures et technologies actuelles doivent s’adapter afin d’être beaucoup plus flexibles comme l’expose le magazine « énergies renouvelables ». Ainsi, les turbines hydrauliques vont devoir tourner à des vitesses très différentes pour se caler « en continu » sur les besoins. Ceci va influer sur les rendements de celles-ci car elles ont été conçues pour fonctionner avec un débit d’eau optimum. A d’autres débits on constate, par exemple, l’apparition de tourbillons instables. Des programmes de recherche sont ainsi lancés pour améliorer la flexibilité tout en limitant les pertes de rendement et l’usure des installations suite à une sur-sollicitation. Par exemple, il est envisagé d’utiliser des batteries électriques tampons pour laisser le temps à la turbine d’atteindre « tranquillement » sa vitesse de production ou re-pomper directement une partie de l’eau dans le barrage pour éviter de faire varier la vitesse de la turbine [court-circuit hydraulique]). Dans le même article,  Klaus Jorde de l’Office Fédéral de l’Energie pense que si des solutions techniques seront certainement trouvées, il s’agit maintenant de proposer des mécanismes financiers qui incitent les exploitants à investir dans le domaine la flexibilisation de la production.

On pourrait imaginer que les nombreuses difficultés à faire passer les projets de parcs éoliens pourraient réorienter certains investissements vers l’énergie hydraulique. Mais l’hydraulique rencontre aussi les mêmes blocages comme l’illustre le projet de rehaussement du barrage du Grimsel prévu il y a 20 ans et toujours bloqué devant les tribunaux… A ce sujet, la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a proposé avec le Conseil Fédéral en février de cette année que chaque projet de centrale hydroélectrique ou éolienne ne puisse être contesté qu’une seule fois et qu’un permis de construire ne soit plus exigé pour poser des panneaux solaires en façade.

Tout ceci démontre qu’il s’agit de trouver un équilibre entre la protection de l’environnement local, l’autonomie énergétique et les enjeux environnementaux globaux.